Chapitre 6 :
Ils passèrent encore une fois la soirée ensemble,parlant d'écriture,de poésie.
De tout à rien mais leur vie se dévoilait tout de même,dans un silence,un regard qui s'échappe,un soupir.
L'un pensait toujours tromper l'autre mais en réalité ils savaient tous les deux qu'ils se comprenaient mieux que n'importe quels humains sur la planète. Certaines choses rares, quand elles sont partagées rapprochent plus qu'on pourrait l'imaginer.
"Tu crois au destin?" lui demanda Adam.
"Non si le destin était écrit d'avance à quoi cela servirait-il qu'il soit si cruel envers certains et trop heureux envers d'autres?Qui dit destin dit Dieu,et Dieu n'aurait pas permis de telles choses." Cathy était ravissante dans sa rébellion , son besoin, puéril mais compréhensible , de justice, de raison, de causes à effet.
"Hum hum....Et comment appellerais tu notre rencontre?" .Il lui posa la question sérieusement mais son sourire en disait long.
En tout cas pour Cathy il était comme un signe,chaque fois qu' Adam souriait elle sentait son cœur se soulever de fierté et de soulagement. Lui voyait son sourire, s'attachait à ces petits détails. Il avait déjà noté de petites choses, unique et personnelle, ce qui pourtant mit à la vue de tous passait inaperçu aux yeux des autres, inattentifs : Ce « Rituel de la mèche » quand elle se mit à réfléchir faisait déjà parti intégrante de ses habitudes, de ses points de repères dans ses attitudes.
"Hé bien,le hasard plutôt..."
"Ah oui le hasard,c'est magique tout de même le hasard....."
Dit de cette manière en effet il lui semblait qu'elle avait dit une énormité mais Cathy refusait de se laisser impressionner.
"Alors Dieu,dis moi,Dieu est derrière notre rencontre?Bien, très bien,il est derrière les guerres,les morts alors pourquoi pas la main qui nous a fait nous rencontrer aussi...."
Elle tentait de le provoquer,inutilement puisque lui même ne savait pas s'il ne croyait ou non en cette explication.
En revanche,son esprit s'activa, des souvenirs revinrent à la surface. Adam se leva,ouvrit une boîte bleue,posée négligemment sur le meuble du salon. Une de ces boîtes d'ouvrages fins, qui semblent détenir un secret, une histoire, une légende presque. Elle semblait de velours, à peine touchée par le temps, effleurée uniquement du regard. De légères broderies , d'un bleu plus clair ne dessinaient rien de précis mais semblaient vouloir imiter les flammes.
Avec tendresse et émotion Adam en retira plusieurs feuillets. Il s'autorisa le temps d'en lire quelque uns puis en choisi un seul, se tourna vers elle et lui tendit. Curieuse Cathy l'accepta mais continua de le regarder dans les yeux,l'émotion semblait prête à le submerger. Elle ne voulait relâcher ce regard, comme si rester encore dans ce sentiment d'amour sincère qu'elle voyait là pouvait, par elle ne savait qu'elle miracle contaminer sa vie et entrer dans son avenir.
Elle posa enfin les siens sur le document. Cathy compris tout de suite que ce n'était pas son écriture mais celle d'une femme
" SA femme,songea t-elle,ces fameuses lettres interdites qu'ils se laissaient...."
A voix haute elle lu :
Les mots ne sauraient effacer
Ce que ton cœur construit
Tu as déjà essayer
Mais c’est fini
Même pieds et points liés
Il continue à t’étonner
Prêt à être exécuté
Il réussi à s’en tirer
Tu pensais avoir mis sur lui
Le sens de ta destinée
Mais s’il n’en a pas envie
Il saura te le montrer
Voilà que tu t’en trouves surpris
De ne faire que te défiler
Mais il contrôle aussi
Ton esprit possédé
Car il est sûr de lui
Le petit garnement sacré
L’avenir ne l’a jamais fui
Et on ne sait alors rien faire d’autre que de l’écouter
Le temps passé à le fuir
A lui imposer notre vision des choses
Remis en à plus tard pour en finir
Mais ne viens jamais l’apothéose
Il est une règle qui semble le protéger
Il partage nul droit mais tout ces devoirs
Combien de fois on a voulu le piéger
De toutes les couleurs il t’en fais alors voir
Que tu le veuilles ou pas
S’il décide d’aimer tu n’a plus rien à y voir
Il envole lui -même les océans de vérité
Que tu te dises d’accord ou pas
Le cœur seul fait son choix ce soir
Il souffle lui-même les villes désertées….
Cathy arrêta sa lecture,il lui semblait qu'elle pénétrait sur des chemins interdits. Cet amour était unique et la magie qui s'en échappait n'était pas faite pour être observée comme ça ; en lisant ce poème destiné à lui seul. Mais lorsqu'Adam lui reprit des mains,les joues humides de son amour,de son émotion et de sa déchirure...Cathy s'aperçut qu'elle pleurait elle aussi.
"Ne t'arrête pas à cet amour,ce que je voulais te faire comprendre c'est qu'elle non plus ne croyait pas en la destiné,à ses yeux nous étions nous même les seuls écrivains de notre destin."
Adam disait ces mots fièrement et avec tant de véhémence qu'elle comprit qu'auparavant elle n'avait jamais vu un seul homme amoureux.
"Tiens",il avait repris une autre page,"elle ne croyait pas non plus en Dieu,comme toi elle le condamnait pour son indifférence aux yeux du monde"
A nouveau Cathy prit la feuille,mais une voix tout contre son oreille semblait lui recommander de ne pas lire. Tel un pressentiment oppressant, une impression de déjà vu, un malaise intérieur la « voix » lui paraissait présente pour la protéger. Elle le devait pourtant,à lui,qui l'avait tant aidée. Alors contre sa volonté elle parcouru ses lignes :
Je ferai parler la terre entière
S'il ne fallait que cela
Pour en extraire les mystères
De tous ces combats
Quand un père tue son fils
Dans quel monde est on
Sur quel autel de sacrifice
Obtiendrait il son pardon
Je transpercerai les nuages
Pour te trouver
Que tu sois ou pas dans les parages
Tu auras à t'expliquer
Quand un frère viole sa sœur
Dans quel monde vit-on
Sur quel serment du cœur
Pourrait-il obtenir le pardon
Je porterai l'univers dans mon cœur
Si seulement je pouvais
Le reconstruire sans tant d'erreur
Que je ne saurai pardonner
Il y aura des compte à rendre seigneur
Vous qui savez faire preuve de bonté
Montrez vous donc un peu à l'œuvre
Et descendez vous expliquer...
Cathy savait bien qu'elle touchait là à une entité bien trop grande pour elle. Il lui semblait que ces mots là auraient pu être les siens. Elle touchait du bout des doigts le cuir du canapé, comme un rituel rassurant, une douceur pour les échardes qui lui venaient sur les blessures encore si fraîches.
Un écrit à elle lui revient en mémoire, éraflant sur coeur d'une entaille fine mais profonde :
Ma prière d'écoute
Mes paroles chaque soir
Sur quelle onde de doute
Se branche notre désespoir
Quel réseau passe les obscurs nuages
Pour de ma voix douce emporter
Les hommes , leurs rêves sages
Que vous avez simplement oubliés
Il y a des problèmes de connexions
Des quiproquos de communications
Je crois que de là haut
On ne capte plus trop...
Sans lever les yeux elle posa les mots pleins de rancœur et d'injustice ; alla jusqu'à la porte et sortit. Adam ne la suivit pas. Il savait que c'était surement trop tôt, trop douloureux.
« Et pourtant c'est de ma faute, pourquoi suis je aussi brusque avec elle? »
« Tu ne serais toujours pas fier de moi ma douce femme, je ne suis qu'un homme, pourquoi reprendrais-je espoir en la vie pour une inconnue? L'as-tu réellement mise sur mon chemin? Est- ce toi qui guide en ce moment cette surprenante rencontre? Dis moi , fais moi un signe car je me perds..je voudrais tant te rejoindre...simplement te rejoindre... »
Et longtemps il resta immobile , la feuille gardienne des souvenirs de sa bien aimée entre les mains,n'espérant plus vraiment un signe, versant des larmes qui n'avaient plus lieu d'être. Quand soudain le papier lui échappa des mains pour aller s'envoler jusque sous la porte d'entrée.
« Seigneur ! » Son esprit s'emballa. « Oh non je ne peux pas croire tout et n'importe quoi et pourtant...est ce là un signe mon amour?...Qu'importe si je me trouve je t'écouterai où que tu sois..alors allons y , retrouvons cette âme égarée que tu veux tant que je sauve! »
« Et qui peut également te sauver » sembla murmurer une douce voix, si faible que nul humain n'aurait pu l'entendre.
