Chapitre 3 : Nouveau départ
Cathy se releva le lendemain matin, seule dans ses draps.
Elle eut soudain un profond malaise en se rappelant sa voix, son visage le matin lorsqu'elle se réveillait avant lui et qu'il ouvrait les yeux doucement. Cathy avait alors le sentiment d'être la femme la plus privilégiée au monde pour être la première qu'il voyait tous les jours...
Qu'aurait elle pensé alors si on lui avait dit d'avance qu'elle perdrait ce simple mais vital bonheur là ?..
La présence même d'un matin lui semblait cruelle sans lui, utile juste dans la souffrance des souvenirs qu'elle lui imposait.
Elle ouvrit les yeux sur la pièce et ce qui l'entourait se rendant compte qu'elle ignorait où elle se trouvait. Le lit dans lequel elle dormait et les murs étaient rassurants mais Cathy mit encore quelques minutes pour se souvenir des changements qui s'étaient opérés la veille.
Lorsqu'elle s'en souvint la peur s'amplifia . Elle couru jusqu'à la porte de la chambre de son sauveur...Puis , hésita.
Elle n'allait tout de même pas rentrer pour vérifier s'il dormait!Cathy n'eût pas le loisir de se poser la question trop longtemps...
La porte s'ouvrit brusquement....
"Je suis désolée..Balbutia t'elle. Je ne voulais pas attendre devant ni entrer..."
On aurait dit une petite fille prise entrain de faire une grosse bêtise. Adam l'observait avec des grands yeux encore perdus dans le réveil. Son air défait,à demi ensommeillé, en restant planté là dans l'encadrement de la porte était attendrissant. Son regard changea vite mais distinctement pour Cathy.
Lorsqu' Adam avait ouvert la porte il y avait un brin d'espoir fou puis,une fois qu'elle avait parlé,il avait eu un peu de déception et beaucoup d'amusement. Cathy avait une bonne idée du dur retour à la réalité. Encore dans le monde des rêves, il avait peut-être cru que sa femme était encore là, derrière la porte, comme si ça n'avait été qu'un mauvais rêve, un horrible cauchemar.
Adam avait réalisé en se réveillant que ça n'était qu'elle, pauvre petit oiseau blessé qu'il avait sur un coup de tête et de cœur recueilli...
"ça n'est rien, je ne vais pas me sauver et pour une fois j'ai dormi tard, ça faisait un bout de temps que ça ne m'était pas arrivé.."
Il ne réalisait à quel point Cathy avait eu peur qu'il soit parti sachant qu'elle serait à l'abri et qu'il ne se décida à mettre à l'œuvre son suicide...Son cœur battait à toute vitesse et elle se calmait peu à peu
"Tant mieux, j'ai eu peur, enfin je veux dire de ne pas vous, te trouver ici..."
Adam saisit enfin pourquoi elle était là,devant sa porte,essoufflée et inquiète.
"Tout va bien, je vais m'occuper de toi et je resterais là le temps qu'il faudra"
Son ton paternel la rassura.
"Bon,on ne va pas prendre racine dans ce couloir!Viens donc prendre le petit déj si je trouve quelque chose dans les placards."
Elle le suivit,curieuse et rassurée.. S'amusant de son pyjama classique et troué sur l'épaule.
Adam chercha vingt bonnes minutes avant de dénicher quelque petites choses qui feraient office de déjeuner. Ils s'installèrent dans le salon,sur les grands fauteuils crèmes car la table de la cuisine semblait disparaître sous les ustensiles. Il regarda l'étalage d'outils sales et se tourna vers elle pour lui faire un clin d'œil complice. Cathy haussa les épaules,comme pour lui dire
" Je m'y attendais de toute façon".
Et,malgré le repas frugal, ils étaient heureux parce qu'ils étaient en vie tous les deux. Ils profitèrent avec simplicité de ce moment, début d'un renouveau, comme un rituel pour signifier que tout va pour le mieux, que la vie commence de cette façon : un petit instant de douceur au réveil. Enfin, par dessus un air de musique classique qui passait à la radio, dont tous les deux ignoraient jusqu'au musicien; Adam annonça :
"Je crois qu'il va falloir que je retourne besogner dès demain si nous voulons nous nourrir mieux que ça"
Cathy acquiesça en soupirant
"Qu'est ce que je pourrais faire pour t'aider?Cela me déplaît que tu sois le seul à travailler pour nous deux."
Il la questionna alors sur son métier, ses études.
"J'ai suivi le cours de ma vie suivant mes envies et lorsque j'ai rencontré cet homme que j'aimais tant j'ai tout plaqué et je l'ai suivi,sans penser qu'un jour j'aurai peut-être à m'en sortir sans lui..."
Le ton de sa voix le fit frissonner, il y reconnu sa propre peur de l'abandon lorsqu'on trouve la seule personne que l'on peut aimer à jamais.
"Je suis d'accord avec toi, je ne peux pas travailler pour nous deux . Donc,dans un premier temps,je te demande si tu veux bien remettre de l'ordre dans cet appartement, et de faire toutes ces choses que les hommes ne savent pas faire »,conclu-t-il avec un sourire
Elle accepta, consciente qu'Adam la préservait.
Bien qu'il s'aperçut qu'elle n'était pas vraiment convaincue il ignorait ce qu'il pouvait lui proposer de plus.
"Tu faisais bien des études avant de le rencontrer?"
'Oui, je travaillais dans l'écriture, je rédigeais des poèmes principalement..Le genre de choses qui ne se vendent plus et qui n'intéressent plus personne..."
Il ressenti à ces paroles un immense coup au cœur et s'arrêta pendant quelques secondes de respirer.
"Qu'est ce qui t'arrive?"
Cathy ne savait pas ce qu'elle avait pu dire pour qu'il soit à ce point troublé...
Adam ravala les larmes qui montaient doucement à ses yeux, il repartait vers cette douleur qui lui semblait disparue depuis quelque temps, mais qui ne s'effacerait jamais. Il ne devait pas l'oublier, elle serait toujours là, brûlante et vive tant que lui-même sera en vie. Il se devait de lui répondre tant Cathy paraissait angoissée mais il constatait aussi que replonger vers le passé n'allait pas lui faire que du bien; une nouvelle fois il lui apparu étrange que ce soit cette fille là, précisément qui ait été mise sur son chemin.
"Ne t'inquiètes pas,ça va aller. Il faut, pour que tu comprennes, que je te raconte un petit morceau de ma vie, un de ces morceaux qui se dissolvent si vite qu'on se demande pourquoi la vie nous les a donnés".
Elle ne dit rien, s'enfonçant dans le fauteuil qu'elle occupait, laissant le reste de sa nourriture sur la table basse.
"Ma femme et moi nous nous étions connus très jeunes. Je n'avais plus mes parents depuis un certain temps mais Lucie vivait paisiblement chez les siens .Ils étaient un peu portés sur l'étiquette et rêvaient de voir leur fille épouser un homme riche, un peu comme dans les histoires de moyen-âge"
Elle rit, consciente à son tour qu'il ne devait pas être facile pour lui de se livrer autant et qu'il se protégeait avec des parades humoristiques .Adam continua, ravi une fois de plus de l'entendre rire.
"Moi, je travaillais pour pouvoir rester indépendant, autant te dire que les études n'étaient plus réellement au programme... Elle est venue un après midi avec son père dans la boutique où je travaillais toute la semaine quasiment. Bon, je te passe les détails trop long de notre rencontre, de nos rencontres plus précisément. Comme tu t'en doutes suite à ces rendez vous, galants tu l'imagines, elle tomba éperdument amoureuse de moi, et je dois bien avouer que c'était mon cas aussi évidement.
Sauf que ses parents étaient à des kilomètres de valider notre amour. Lucie n'avait qu'eux,et ne pouvait pas les quitter pour moi,car à l'époque une jeune fille comme elle dépendait de ses parents, et partir signifiait les perdre. ce que j'acceptais.
Même si notre relation était secrète ,en partant travailler le matin, elle était avec moi et c'est ce qui comptait le plus à mes yeux. Pour ne pas partir sans lui dire au revoir, je laissais un mot, le plus souvent un poème,sur le miroir de la chambre, ou sur une des figurines de l'entrée. Et, quand je rentrais, j'avais une réponse à un autre endroit, autant te dire que c'est vite devenu un rituel. La plupart des gens penseront que c'était le début de l'amour donc que ce rituel n'a pas duré et ils se trompent.
Aussi longtemps que nous avons été ensemble Lucie avait un mot tous les matins et je courrais dans tout l'appartement pour trouver à mon tour des mots qui n'étaient destinés qu'à moi..."
Adam s'arrêta là, elle remarqua combien ses mains tremblaient et son souffle paraissait court mais elle pressentait que quoi qu'elle dise ou quoi qu'elle fasse la peine serait là jusqu'à ce que son cœur s'éteigne et le libère.
Cathy comprenait son envie de partir, de la rejoindre. Rentrer chez lui et ne plus trouver aucun réconfort.
"Je n'ai pas l'amour que ta femme avait pour toi ,mais je sais qu'il faut du cœur pour écrire un poème"
Il la regarda, les yeux brillants de petites perles qui refusaient de courir.
Avant même qu'Adam ne le dise elle sut ce qu'il allait demander, consciente aussi qu'elle ne pourrait pas lui refuser. Même si ce n'était pas exactement ce à quoi elle pensait; elle accepta, le cœur en mille morceaux et décida de poser une condition.
"Tu as ma parole que je le ferais et j'espère que tu te rends compte à quel point cela me coûte Tout ça est s'y lointain. Je voudrais en échange que tu me laisses un mot toi aussi, une sorte de dialogue entre ton cœur et le mien, tout ce que l'on ne peut dire en face, ce que le cœur écrit si on prend la peine de l'écouter"
Adam accepta à son tour ce deal qui était à la fois un sacrifice et une délivrance et ce, pour tous les deux.
Ils partirent alors, pour réaménager un peu plus au goût féminin l'appartement, faire quelques courses puis ils se promenèrent le long du fleuve. Comme une évidence pour les deux, une manière de rendre hommage au destin qui les avait fait se rencontrer. Le destin, ou une chose plus forte encore. Tous deux ressentaient une sorte de paix intérieure et pourtant, ils leur semblaient être suivi par quelqu'un, comme observés pour vérifier qu'ils n'allaient pas retenter de plonger dans le fleuve autant que dans le chagrin. L'un pensait que c'était l'autre et inversement...