Chapitre 5 :
Cathy s'allongea sur son lit,enfouit son visage dans son oreiller,et,comme beaucoup de cœurs brisés,pleura jusqu'à en être épuisée.
Pendant ce temps,à quelques mètres à peine, quelques murs d'espace de pudeur un être pleurait au moins autant . Adam était entré dans sa chambre,sachant qu'elle serait là .Cathy n'avait pu lui confier en face et il le comprenait,jamais il n'aurait penser lui reprocher cela mais il pressentait qu'elle s'en voulait.
Son cœur battait à tout rompre quand il lui souhaita le bonsoir et qu'il refermait en douceur la porte derrière lui. Dans le noir,il lui semblait que la feuille,qui était sagement posée là où il avait précédemment laissé son mot d'encouragement,brillait d'une lueur surnaturelle.
Adam cligna des yeux,les larmes d'une tristesse amère coulaient enfin sur ses joues .Il y vit le signe d'une renaissance. Celui qui est capable de souffrir est capable de vivre. Pour tout ce qu'il souffrait il pourrait certainement vivre éternellement !
Il s'avança enfin,se posant à côté de la lettre,la prit délicatement dans ses mains,respira un grand coup..
Tous les gens autour de moi sont heureux
Ou sinon ils semblent vraiment l'être un peu
Car s'ils ne le sont pas ce sont de bons comédiens
Même si à moi ça ne me fait plus rien
Je recherche aussi ce bonheur qui hypnotise
Une sensation merveilleuse d'être enfin comprise
Mais dès que j'y crois un peu trop fort
Vient l'oiseau noir du remord
La confiance en nuée m'échappe
Et la douleur à nouveau me frappe
Tous les regards que je lance
Me font voir des cœurs souriants
Dans ma poitrine la douleur s'élance
Déchirant mon cœur d'un cri désespérant
Rien de bien contre le mal
Dans une vie tellement fatale...
Cathy avait cru écrire pour elle-même mais ces mots il les prit en pleine figure,comme il le craignait,et de même que quelque temps auparavant,il se remit à essuyer ses gouttes d'eau fragiles,plaça sa tête sur l'autre oreiller et laissa sa peine l'envahir comme si elle en avait enfin le droit.
La nuit se passa ainsi,remplie de douleur et de larmes,de remords et de regrets...
Le matin ,Cathy l'entendit se lever mais ne se sentait pas le courage d'aller le voir,de sentir son regard réprobateur et sa tristesse de s'être trompé à ce point sur son compte.
Lui , espérait qu'elle ne se lèverait pas tout de suite, il avait peur de la regarder et de craquer devant elle en sentant autant sa peine que la sienne.
La porte claqua enfin,elle se demandait si elle ne devait pas s'enfuir.
« Tu es quand même sensée être là pour lui avant toute chose! » .Cathy retira son corps meurtri de la chaleur bienfaitrice, de la douceur des draps qui la maintenait dans un monde à elle,celui des rêves et de la beauté pour aller affronter un monde réel où elle était comme une étrangère. Sans conviction, la démarche lasse, hésitante elle alla machinalement, presque déjà habituée au lieu, dans la cuisine pour prendre son déjeuner. Elle s'arrêta,surprise voire effrayée,une lettre l'attendait sur la table.
Autant la première l'avait sortie de sa noyade d'inquiétude autant celle ci lui mit la tête sous l'eau et la fit suffoquer.
"Il va me demander de partir ou d'être moins égoïste".
Cathy s'avança,résignée :
Il est vrai que les nuages bas
Ont mis de côté le cœur las
Mais ne plus vouloir y croire
N'est pas la décision la plus transitoire
Laisse donc s'échouer
Le long des plages d'hiver
Le goût tendre,peu sucré
D'une vie trop amère
Regarde le soleil taquin
Jouer à cache cache le malin
Pour ne pas brûler la peau
De ceux qui aime bien trop
La danse des nuées de vapeur
Envelopper ton cœur
Pour ne pas qu'il se casse
Dans la chute qui le menace
La brise légère caresser
Tes larmes,saveurs salée
Pour ne pas inonder
De peine,de haine cachée
Laisse donc s'échouer
Le long des plages d'hiver
Le goût tendre,peu sucré
D'une vie trop amère....
Adam l'avait entendue. Appréciée de par son écrit et c'était à ses yeux remplis d'émotion extrêmement important, presque vital vu l'état dans lequel elle se trouvait désormais.
Jouant avec sa mèche qu'elle plaçait derrière son oreille,puis relancée devant,à l'infini,un geste que sa mère avait fait devant ses yeux pendant dix ans et qu'elle reproduisait sans même sans rendre compte ; elle prenait le temps de se rappeler l'ancien temps,où elle aimait écrire plus que tout,plus que lui. Les mots lui venaient alors, comme murmurés par un esprit à l'oreille .Parfois,pendant plusieurs semaines elle ne cessait de coucher des mots sur le papier et,certains jours,elle ne touchait même plus la blancheur de la page souple sous son stylo.
L'écriture était passionnelle , s'alimentait du feu de sa propre vie, de ses expériences. Elle menait une vie exacerbée justement, en grande partie pour la retranscrire. A moins, pensait elle maintenant, elle retranscrivait sa vie parce qu'elle la vivait justement trop passionnément, pour ne pas se laisser submerger par elle. Cathy n'était plus réellement sûre que l'écriture ait guidé sa vie ou l'inverse mais l'une nourrissait l'autre et lui donnait son équilibre ça elle en était certaine.
Elle dériva ainsi pendant plusieurs minutes et l'envie lui revint .Cathy avait au moins un sujet qui ne la blesserait pas : cette renaissance de l'envie d'écrire,de rimer,d'avoir l'aisance de l'oiseau dans son ciel.
Elle s'affaira et trouva dans la commode de l'entrée,son vieux bois craquant lorsqu'elle ouvrait un de ses trois tiroirs,une feuille qui l'appelait,elle,son talent laissé de côté ..et pourquoi?.
"Non,laisse donc s'échouer le long de ta plage d'hiver,le goût tendre,peu sucré,d'une vie trop amère..."
Oui ces mots lui ressemblaient,avaient été écrit juste pour elle. Cathy sentait de plus en plus d'envie,de désir d'écrire. Le silence se fit comme pour la laisser s'apaiser , lui insufflant le rythme doux des mots.
Et passèrent quelques heures pour ce simple accord. Elle était déçue. Tant d'effort pour un résultat bien simplet:
Mes mains se baladent sur la blancheur
Comme ceux d’un pianiste en concert
Je sens tellement d’envie et de terreur
Un coup de stylo puis je suis à terre
C’est lorsque la blanche se transforme en noir
Que la page de ma vie et mes sentiments
S’envole comme une double croche noire
Toute la douleur m’assaille en vibrant
L’écriture des tourments
Même en poésie
Ne saurait guérir pourtant
Telle une partition de ma vie
Cathy le laisserait libre juge de son écrit.
La journée passa,elle s'affaira dans tout l'appartement.
Cathy sentait bien que quelque chose lui manquait,qu'elle passait à côté d'une panneau indicateur clignotant mais que son esprit s'obstinait à lui masquer.
Taraudée par cette idée Cathy erra dans l'ancien atelier de la femme de son sauveur...SON saveur? Et là elle réalisa, honteusement.
"Je suis donc si égoïste?Centrée sur mon propre malheur?Je n'ai donc aucune compassion?Aucun sens de l'honneur et des promesses?Il m'a redonné l'envie la plus primaire,celle qui habite en moi depuis toujours et moi...Qu'ai je donc fait pour lui en retour?!!!!!!!...."
Frustrée,en colère contre elle même elle s'empressa de trouver une seconde feuille
"Non mais vraiment, non mais vraiment, qu'as tu donc dans la tête?Ou plutôt n'as tu rien dans le cœur?" Elle était tellement aveuglée par sa colère intérieure qu'elle savait bien que les mots tendres et guérisseurs qu'elle avait envie de lui écrire ne s'exprimeraient jamais.
Assise dans le canapé où elle avait mangé pour la première fois,entendu son histoire,délivré un peu de la sienne ; dans ce canapé qui savait toute l'importance du combat qu'elle menait pour la sauvegarde de sa vie et celle de l'homme qui était son inspiration spirituelle,Cathy pleura : de colère.
Un premier pas vers la guérison diront les avis extérieurs.
Mais il n'y avait personne pour lui dire,pour l'écouter.
A cet instant précis elle se sentit plus seule que jamais.
Cathy avait besoin de lui comme une noyée cherche désespérément son oxygène.
Elle serrait les poings,pleurait,sanglotait..
Suivant les rythmes de son cœur elle ne savait plus vraiment où elle était .Perdue,sur les rivages bien trop grands de la solitude.
Alors le calme revint,comme après l'ouragan,le silence non pas apaisant mais lourd,inquiétant. Ne restait dans l'air plus que le crissement de la pointe de la plume sur la blancheur de la page qui perd peu à peu de son éclat.
Un regard pourtant , que Cathy ne pouvait surprendre, la jaugeait à l'instant même. De profil, les genoux relevés contre sa poitrine le bras étendu pour atteindre la feuille. Sa posture était digne d'un chat pendant sa sieste! L'œil qui l'observait y voyait la jeunesse, la solitude , la rébellion. En commençant à craindre son rôle dans l'avenir qu'elle avait prévu.
Cathy qui ne savait rien de tout cela avait enfin fini, apaisée.
Il y a eu un temps
Pour douter des sentiments
Ce moment de torture
Où plus rien d’autre n’a goût, tout est parjure
Cet instant de douleur
Où chacun de nos mots semblent une erreur
Il y a eu un temps
Pour croire un peu, parfois
Ce moment de douceur
Où tout nous semble simplement étrange
Cet instant d’espoir
Où chacun de tes regards me fait croire
Il y a eu un temps
Pour se déclarer ensemble
Ce moment où la terre entière en tremble
Cet instant inégalable
Où tout autre chose n’est que grain de sable
Il y a maintenant ce temps
Ensemble, au firmament….
Voilà mon ami les mots qu'elle aurait écrit pour vous....où qu'elle soit maintenant vous vous retrouverez
Cathy ignorait si elle avait vu juste,mais l'esprit lui avait chuchoté cela et elle refusait de revenir sur ce qu'elle avait écrit.
"J'espère que tu fais bien ma vieille parce que si tu t'es trompée il aura bien le droit de te mettre à la porte pour lui avoir briser le cœur une deuxième fois!!!!!"
Elle resta ainsi,perdue dans ses réflexions,se disant ironiquement que c'était vraiment injuste qu'il y ait tant de manière de briser un cœur. C'est dans cet état qu'Adam la trouva en entrant.
Discrètement il l'observa,il sentait chez elle la bonté,l'appel au secours aussi.
Adam la voyait comme une fille que le destin lui aurait attribué à la dernière minute
" Vraiment au dernier moment seigneur,veillez vous sur moi en fin de compte?"..."Où est ce toi ma bien aimée?Ne veux tu pas que je te rejoigne de là où tu es?".
Il s'était aperçu qu'elle tenait dans sa main ce bout de papier,couvert de mots tels des oiseaux venus se poser pour ne pas laisser le blanc dominer de toute sa pureté. Adam savait aussi que c'était ce qui allait la maintenir elle aussi dans ce monde,comme si ces oiseaux avaient attrapé leurs épaules pour les ramener dans l'intérieur du monde. Et pourtant ils en étaient encore tellement loin dans leur cœur. Il soupira .Un peu trop fort peut être,Cathy ouvrit les yeux,tourna son sourire et ses papillons verts vers lui.
"Bonne journée? Enfin je veux dire ne t'es tu pas trop ennuyée?" ajouta t 'il avant de se rappeler qu'il avait fait cette première erreur avec elle la veille seulement.
"Et bien pour être honnête j'espère vite trouver une autre occupation. Je pense faire des recherches dès demain pour trouver un emploi malgré mon peu de compétence .Mais sinon oui ça a été une très bonne journée...Et pour toi?"
Adam se surprit à attendre,à graver ce moment,simple mais touchant,comme un rituel organisé pour se rassurer. Entre les lignes ça donnait plutôt : "Dis moi que ça va...Que tu as repris goût à la vie....Je le reprends mais ne le peux pas vraiment si toi tu n'as pas eu cette même envie de rejoindre cette vie...."
Cathy fixait ces yeux d'où émanait une immense réflexion pour une question si banale.
"Nous ne le sommes pas,nous nous efforçons de croire que nous pouvons nous en donner l'image mais nous sommes bien différents des autres".Elle n'en tirait aucune fierté,elle qui pourtant aimait tant être unique.
"Regarde toi! Tu vis chez un inconnu,refusant de baisser les bras parce que lui l'as fait avant toi,prétendant vouloir l'aider alors que c'est lui qui soigne ton cœur blessé .Alors non être différente comme cela ça ne m'intéresse pas vraiment".
L'espace d'un unique instant deux êtres s'interrogent,parce que leur regard se sont croisés,parce que leurs âmes sont bouleversées,parce que rien n'était prévu comme cela.
Cathy lui tendit la lettre , sûre cette fois qu'il en avait besoin,et que cela ne servait à rien de faire semblant.
Adam la prit,ses doigts tremblants mais il lui faisait une confiance aveugle,et surtout il n'avait rien de plus à perdre
Pas de merci,pas de mots,c'était un accord tacite,une confiance en leur amitié tombée du ciel..Par hasard?Non pas vraiment ou sinon le hasard aurait enfin un nom.
Et le hasard aurait aussi deux yeux pour les voir,les pleurer et hésiter à intervenir comme il le devait.