Hors-sujet...(post complètement aware...)

Les bonnes galettes au beurre de la mère d'un copain breton...

A la place d'un "petit caillou de la crau", quelqu'un m'a conseillé d'offrir à ma femme un "berger" de la Crau, une race de chiens de pastre qu'on en voit presque plus. Ca, pas question ! Déjà il y a déjà assez de bestiasso comme ça à la maison (moi compris, et c’est pas le plus facile).

N’empêche qu’un comme ça, on en a eu un au mas il y a bien des années. Maria accompagnait parfois des cavaliers du dimanche qui faisaient une randonnée avec une roulotte gitane. Il paraît que c’est à la portée de tout le monde. Sauf de ceux qui confondent un cheval de trait avec un cheval de bois. Bref…Ils devaient bivouaquer sur les terres d’une ferme et en allant régler l’occupation du terrain, elle a vu un chien attaché dans la cour. Attaché tellement court qu’il pouvait à peine se lever, et qu’il avait le postérieur aussi pelé que celui des singes. Il ne servait à rien, on le nourrissait quand on y pensait et voila.

Elle, quand elle a vu ça, elle en a eu les sangs retournés. Elle en a parlé en revenant au mas, elle n’en aurait pas dormi. Alors, je me suis décidé à y aller voir, moi. J’ai parlé avec le gars de la ferme. Non, le chien ne lui servait pas, non il n’en avait rien à f…. et non, il ne le laisserait pas partir. Rien que pour m’em….er, à première vue. Seulement, je suis têtu et aussi j’ai toujours employé une forme de persuasion qui est bien à moi. Je lui ai dit gentiment que je lui proposais de lui racheter le chien, pour autant, et que je le débarrassais (puisqu’il n’en avait pas besoin). Deuxième solution, je lui donnais la somme proposée, il n’était pas d’accord, on allait s’expliquer derrière la ferme et de toutes façons j’emmenais le chien. Il a préféré la première solution. Et j’ai ramené le chien. Maria était bien contente, mais mon pelot ! On l’a entendu g…er jusqu’en Arles « que des chiens, on en avait bien assez comme ça, que si je voulais un chien il n’avait rien contre mais qu’il ne voulait pas le voir sur l’aire ! Et que j’avais déjà trouvé mieux pour faire le joli-cœur ! Et que Môssieu Francés lui ferait bien plaisir la prochaine fois de se tenir à une boîte de chocolat, comme tous les autres roucoulaïre et pas une crevure comme celui-là...» La "crevure", elle était déjà à se coller contre moi et à se faire caligner par Maria. Alors le chien, je l’ai gardé. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? Je l’ai eu pendant 8 ans. De temps en temps, il disparaissait. La première fois, j’ai eu une brave peur, parce que je n’aurais pas voulu que ma belle pense que je l’avais fait exprès. Mais c’est elle qui m’a rassuré. Le marrias, quand il m’accompagnait au mas, elle lui donnait à manger comme à son berger allemand. La cuisine était bonne, alors il a décidé de la suivre. Comme elle partait avec une roulotte, il avait sauté dans le coffre à foin et zou li biou ! Il s’offrait une promenade gastronomique. Il l’a toujours fait. Lui et le Kiri de Maria, c’était devenu une paire de copains. C'était un phénomène, le Couquin. Toujours derrière les sabots de mon cheval, j'étais devenu son maître un peu par force, et il était fidèle. Encore que je le menaçais vingt fois par jour de le pendre avec mon seden, s'il ne se sortait pas de là "Mildiou que si je t'écrase avec le cheval, on dira que je l'ai fait exprès !"

A l'heure de la gamelle de Kiri, il n'était jamais bien loin. Avec les roulottes, il savait que Kiri ne tolérerait pas qu'il y entre. Alors il se cantonnait au coffre à fourrage, bien acagné dans la paille. Il ne me demandait évidemment pas la permission pour accompagner.

Et un jour, qu'ils bivouaquaient au bord de la Sorgue, un gardian est allé un peu voir ce qui se passait, et surtout caligner un peu sous les étoiles. La petite est venue à ma rencontre, Kiri aussi....et Couquin a plongé sous la roulotte. Maria m'a fait signe de ne rien dire, elle m'a montré le coffre à fourrage. Je me suis penché et j'ai aperçu un museau qui pointait entre les sacs de grain et les seaux à fourrage. Je l'ai fait sortir, il avait l'air tout bigne, tout tristounet comme un minot qui se fait prendre en flagrant délit d'école buissonnière. Puis quand il a vu qu'il ne se ferait pas gronder, il a commencé à battre de la queue, comme s'il avait joué un bon tour, à sauter...Et il est reparti avec moi, presque sous les pieds de mon Boumian, comme toujours. Il a rappliqué le lendemain, pile-poil pour la gamelle. Plus tard, il lui arrivait de ne plus suivre la randonnée, mais de les rejoindre à l'étape, il connaissait l'itinéraire par coeur, un vrai GPS gastronomique sur pattes


Un jour, il n’est pas revenu d’une de ses virées dans les vignes. On l’a cherché, mais sans succès. C’est un de mes hommes qui l’a trouvé mort dans un fossé. Probablement empoisonné par ce que des maufaras mettaient pour empoisonner la sauvagine. Quand on est venu me dire ce qui lui était arrivé, je suis allé le chercher, et je l'ai enterré en bordure de la maison, où lui et le Kiri adoraient venir traîner. Et l'autre qui nous avait suivi s'est sauvé en gémissant, il avait compris que c'était la dernière fois qu'il accompagnait son copain. Il a fallu du temps, mais parfois, il allait se coucher près de l'endroit où dormait mon Couquin comme s'il lui tenait compagnie.

Des chiens, j’en ai eu plusieurs et celui-là n’était certainement pas le plus beau. Mais c’était le plus brave, et il a toujours été reconnaissant, qu’avec les hommes vous n’en avez pas autant. Et puis, je n'allais pas me plaindre, j’avais attrapé une belle auréole de sauveur aux yeux de ma Maria..