As Much I Love You
Épisode 11
Récompense
Alors que l'hiver a déjà envahi la Réunion et provoqué toutes sortes de maladies et d'allergies, l'été fatigant et asphyxiant était proposé en France. Ce fût certainement pour cette raison que Hendy s'était endormi si vite, un voyage de plus de dix heures et une promenade sous de fortes températures, après l'effort le réconfort.
Le lendemain, les deux cavaliers se réveillèrent donc assez tardivement, vers les 8 heures. Ils furent invités à prendre le petit déjeuner dans le restaurant de l'hôtel et il leur fût même refusé de payer selon le motif que quelqu'un s'en était déjà soucié, mais qui ? Tout a fait, car il ne faut pas oublier que d'abord leur réservation pour l'hôtel avait été faite par un inconnu puis qu'ils avaient un chauffeur à leur disposition, que se passait-il donc dans ce pays où pourtant les augures sont le plus souvent funeste ? Funeste, comme l'inégalité sociale ou les délocalisations... d'ailleurs, d'une certaine façon, il y a une délocalisation de beaucoup d'étudiants réunionnais vers la France, on ne se pose même pas la question de "pourquoi" d'ailleurs.
-c'est quand même bizarre, non ?
-oui, je pense que nous le saurons plus tard.
-tu penses que notre bienfaiteur se trouve là-bas ?
-c'est l'hypothèse la plus plausible, sinon que ferions-nous ici ?
-beaucoup de choses... le ciel aurait pris règne et tout rendu gratuit.
-je suis séduit par cette idée, pourtant cette phrase cache beaucoup d'intentions.
-bien sûr que j'ai beaucoup d'intentions, nous ne sommes arrivés qu'hier et n'avons pu rien faire.
-je vois. Pourtant, nous sommes allés dans un café, non ?
-ciel, cette nuit ne t'a pas été suffisante. Où est mon Hendy ?
-ici présent. Je t'ai compris, pour être honnête, je ne m'attendais pas à être autant fatigué.
-aurais-tu donc des projets pour nous ? J'aimerais tant te faire visiter Paris et certains endroits.
-veuillez m'excuser de mon intrusion, mais êtes-vous prêts à partir ? Demanda le Chauffeur.
-oh, bonjour. Eh bien, nous sommes déjà habillés et avons terminé notre petit déjeuner.
-veuillez donc me suivre, je vous prie.
-bien.
Hendy prit la main de Nathalie et la fit entrer dans la voiture, puis il reposa sa tête contre son épaule.
-cela devrait être mon rôle.
-je n'ai pas assez dormi, pardon.
-alors promets-moi une nuit romantique.
-il en sera ainsi. Pardon chauffeur, mais pourrais-je vous poser une question ?
-oui Monsieur ?
-il a dit monsieur, dit Hendy qui s'en était senti irrité. Eh bien j'aimerais savoir qui est notre bienfaiteur.
-même si je vous disais son nom, il ne vous dirait rien, vous le saurez en temps et en heure, rassurez-vous.
-j'en déduis qu'il nous attend là où vous êtes censés nous emmener.
-Au palais de Versailles, Monsieur.
-comment ? Mais je dois me présenter aujourd'hui pour recevoir un prix littéraire !?
-je confirme, c'est là qu'aura lieu la remise des prix, votre bienfaiteur a des relations vous savez.
-certes, mais il me fait peur quand même, avoir assez d'influence pour déplacer le lieu de remise de prix mais dans un tel lieu en plus...
-tu devrais t'en voir flatté.
Hendy s'enferma dans un silence tranquille et dormit sur l'épaule de Nathalie. Ils arrivèrent enfin au Palais de Versailles. Mais aucun bienfaiteur ne se présenta à eux. Hendy reçut le prix, tout cela en étant intimidé, il ne savait pas comment réagir. Il y avait même la présence des médias, mais il réussit à les éviter habilement. Cependant, alors qu'il tentait de se sauver du palais avec Nathalie, ils furent arrêtés dans leur élan par un vieil homme qui leur fit face. Il devait être au delà de la soixantaine mais demeurait assez jeune malgré tout.
-eh bien mon cher invité, j'espère que vous avez fait bon voyage.
-euh, oui nous avons fait bon voyage merci... c'est donc vous qui...
-allons dans des lieux plus confortables, je nous ai fait réserver une salle pour notre affaire.
-bien... mais... vous êtes si généreux alors que je vous suis inconnu et vice-versa...
-asseyez-vous je vous prie.
-euh... oui... merci...
Nathalie sentant la nervosité et la gène de l'écrivain, apporta sa présence de par sa main tenant celle de Hendy.
-Je vois... bien que votre roman parle d'une certaine Minoutchka, cette jeune fille ne lui ressemble pas beaucoup mais joue le même rôle qu'elle à ce que je vois.
-si vous voulez... attendez, vous avez lu mon livre ?
-en effet, je fais parti du jury... ou plutôt, j'en faisais parti, c'était la dernière fois.
-mais alors ?
-rassurez-vous, il n'y a pas eu de "pistonnage" si c'est à quoi vous pensez. J'ai de l'influence, mais je ne l'utilise pas pour des choses aussi sérieuses et respectables. C'est grâce à votre livre que j'ai été tenté de vous subventionner.
-c'est-à-dire ?
-j'ai compris quel genre de vie vous vouliez avoir. Et hélas, seul l'argent peut vous le permettre, bien que vous le détestiez, moi aussi d'ailleurs... je me fais vieux et n'ai pas d'héritier, je préférais que ma fortune finisse en de modestes mains plutôt que de finir aux mains d'un homme d'affaires.
-c'est très généreux de votre part.
-ainsi, je vous propose de vous céder les deux tiers de ma fortune afin que vous puissiez écrire autant que vous le voudrez, quand vous le voudrez, mais aussi avoir accès aux connaissances que vous désirez et pas celles qui vous sont imposées.
-en effet, vous avez tout compris en ce qui concerne certains de mes désirs dans le roman.
-cette oeuvre concerne aussi cette jeune fille qui vous est si proche. Vivre humblement et dans le confort n'est pas indécent malgré le malheur de certains.
-mais vous ?
-je vais être honnête, je suis atteint d'un cancer, il ne me reste que peu à vivre... si cet argent et ce patrimoine doivent être cédés, je préfère que cela soit en les mains d'un jeune homme qui aime la nature, sa bien-aimée et qui plus est, est un homme simple sans désirs malsains. Vous me rappelez ce cher Krishnamurti...
-vous l'avez connu ?
-oui, j'ai eu cette chance... je lui avais même proposé de lui céder de l'argent, mais il ne m'a permis que de continuer de subventionner quelques unes de ses écoles.
-j'accepte votre offre, à la seule condition que ces subventions scolaires continuent.
-je l'avais déjà prévu, rassurez-vous. Ma fortune et mon patrimoine sont immenses, vous pourrez vendre ce que vous voudrez... le bonheur de jeunes enfants est plus important que quelques biens, n'est-ce pas ?
-oui.
-je vais cesser de vous importuner. Pour ce qui est de la paperasse, nous en reparlerons plus tard, voici une enveloppe qui vous permettra de vous débrouiller quelques semaines... cependant, concernant vos études ?
-pour être honnête... je vais renoncer à l'université, mais je ne renonce pas à l'éducation. Je le ferai à la maison, à ma façon, à mon rythme...
-qui est très rapide d'ailleurs, tu étais toujours le premier à avoir fini. Sourit Nathalie.
-euh... mais toi Nathalie ?
-tes plans ne me déplaisent pas.
-alors tout est réglé... mais j'ignore toujours votre identité monsieur.
-Paulo Salieri.
-italien ?
-oui, jeune homme.
-eh bien... concernant les papiers...
-cette enveloppe est généreuse vous savez. Un petit voyage vous serait agréable vous savez, les papiers peuvent attendre, vous vous en occuperez à votre retour.
-déjà ?
-je vous comprends. Votre univers est bouleversé en ce moment, vous ne savez plus où vous situer. Restez le temps que vous voudrez avant de voyager, c'est à vous de décider, pour le moment je vous salue, nous nous reverrons un autre jour, au revoir.
-au revoir, Monsieur Salieri.
Le couple fût reconduit à leur hôtel dans une atmosphère bien silencieuse. Entre une symphonie de Brahms et certains titres de Eminem, les rythmes sont bien différents, et pourtant, c'était le rythme qu'avait pris la vie du couple. Hendy était tout déboussolé alors que Nathalie s'était complètement effacée ou presque depuis leur arrivée en France.
-Hendy... alors tu avais vraiment l'intention de vivre avec moi, pensa Nathalie.
-Oh, c'est vrai ! J'ai complètement oublié de regarder le contenu de nos revenus.
-cela se voit que tu n'as pas l'habitude de gérer les finances, tu ne t'es même pas pressé !
-bien sûr que j'ai l'habitude ! Mais c'est juste que... bon, voyons voir la somme qui nous est donnée...
Nathalie savait que Hendy détestait l'argent et encore plus le matérialisme, elle évita donc de regarder avec lui et s'occuper sur l'ordinateur du poète. Alors qu'il venait d'être récompensé pour son roman, il en avait déjà commencé un autre. La grande nouveauté fût que cette fois-ci, il n'y eût pas question de vrai ou faux personnage principal, d'ailleurs elle se surprit de voir que le personnage principal était féminin.
-par les sales culottes de Mc Gregor ! J'hallucine ou quoi !?
-que se passe t-il Hendy ? Cet homme t-aurait-il raconté des mensonges ?
-de quoi tu parles ? Regardes moi ces billets ! Au début quand j'ai vu que l'enveloppe était enflée je croyais que c'était parce que c'était des billets de vingt, voire de cinquante !
-des billets de cent ?
-pire ! Des billets de cinq cents !
-mais alors ? C'est pour cela qu'il nous avait dit que nous serions tranquilles pour des semaines...
-he's insane ! Il y en a pour plus de trente mille euros !?
-calmes-toi Hendy, ce n'est que de l'argent, deviendrais-tu corrompu ?
-pas du tout Nathalie. C'est juste que... c'est trop irréaliste ! Il est fou !
-Hendy ?
-euh, oui ?
-tais-toi. Dit-elle en le prenant dans ses bras.
Elle avait mis la "Symphony No.3 Poco Allegretto" de Brahms, musique qui apportait la paix aux moeurs en tous temps...
-tu dois avoir confiance au destin, Hendy. Il l'a fait car il avait foi en toi... maintenant que nous sommes en Europe, nous pourrons voyager, avoir tous les livres, musiques et autres que nous ne pouvions avoir dans cette île isolée aux fins fonds des océans...
-certes, mais c'est quand je suis auprès de toi que je suis heureux.
-tais ton amour orgueilleux... tu as besoin d'évoluer, ainsi, c'est à cela que cet argent te servira... voyager et trouver tout ce qui t'aidera... moi... je serais à tes côtés...
-et tu préserveras tes talents de dessinatrice...
-tu...
-aurais-tu oublié ? Avec tes notes de littérature il y avait un papillon qui était dessiné... quelqu'un qui est capable de dessiner un papillon, symbole de l'espoir, aussi purement, ne peut se contenter d'aussi peu...
-je n'ai pas l'intention de faire les beaux arts... je ferai comme toi... et nous nous aiderons des connaissances de notre nouvel ami.
-alors tout est réglé... eh bien... tu sais...
-hum ? Quoi donc Hendy ? Dis-moi tout.
-j'avais prévu de te faire une surprise à l'université... après des mois, j'aurais pu économiser suffisamment pour Noël, mais désormais, nous avons une telle somme en nos mains et notre cher italien nous a donné des "vacances"...
-abrèges Hendy ! Tu parles trop ! Révèles-moi donc tes pensées.
-Je t'avais parlé de la Roumanie, n'est-ce pas ? Nous pourrions y voyager, c'est un beau pays...
-Bucarest... cette ville t'a définitivement séduite.
-cela ne te plait pas ?
-si si, après tout, c'est l'inconnu qui nous intéresse.
-cependant, je me dois saluer quelque chose qui ne m'est pas inconnu, Dit Hendy en reprenant Nathalie dans ses bras.
-qui donc ?
-ces lèvres par lesquelles passent ta voix, dit Hendy en fermant son regard mais aussi ses lèvres sur celles de son poème.
L'Amour... il n'a jamais été ce que prétend ni les livres, ni les médias... mohabbat is just the joy of existence... la joie d'exister qui est en nous tous... mais cachée si subtilement chez certains et qui peine tant à s'exprimer alors qu'elle est si immense, cette joie. Une joie bien supérieure à celle de la vue d'un jardin après l'aube, alors que le soleil se levait sur un jardin béni par la pluie pendant la nuit, de ces gouttelettes d'eau qui demeuraient encore sur les fleurs, comme de l'argent brillant qui les aurait ornées... De ces rayons solaires presque aveuglants, mais si doux en hiver et appréciables dans les clairières... tandis que dans les rivières, le soleil n'était que l'augure du temps qui passait, ceux qui s'y reposaient s'en moquaient presque...
Ces bras et ces mains n'étaient positionnés que décemment, dans le dos, le cou et les cheveux, comme si cette étreinte respectueuse voulait protéger le poème de toute offense ou de toute blessure... la tendresse n'est que l'expression de l'affection, elle peut se dessiner de tant de façons... un mot écrit sur une feuille... une caresse... un baiser... un regard... une présence agréable auprès de soi...
Ils étaient allongés tout les deux sur le lit, face à face, Hendy passait inlassablement son index sur les doigts de Nathalie mais dans un rythme très doux et apaisant.
-quand irons-nous en Roumanie ?
-que dirais-tu de deux ou trois jours ?
-cela me va, après tout, c'est en France que nous reviendrons.
-Nathalie... je t'offre le choix de choisir notre paradis définitif, le veux-tu ?
-je te le dirais quand nous reviendrons de Roumanie, nous avons tout notre temps.
-très bien... alors que faisons-nous aujourd'hui ? Promenade ? Tourisme ? Boutiques ?
-boutiques, que tu es amusant... nous pourrions rester ici, parler un peu, écouter de la musique, danser... nous avons tout ici, non ?
-discuter avec toi... ce sera avec le plus grand des plaisirs... après tout, ta voix m'est si agréable que c'est par ta musique que je veux être bercé.
-par quoi pourrions nous commencer ?
-canta per me il inno dell' amorre.
Un sourire se dessina en cette fin d'après-midi pluvieux.
Dilette del cor mio,
A noi si schiude il ciel...
Tempra il violino e canta
Il inno dell' amorre...
O felice, tu anima mia
Canta addagio...
Fin de l'épisode 11