Huit ans : Je me souviens

Je me souviens que ce jour-là, le téléphone a sonné à 8h 20 le matin et que c'est mon mari qui a décroché.

Je me souviens que j'ai compris tout de suite avant même d'avoir parlé à ma Maman, et que je me suis mise à pleurer.

Je me souviens que tes obsèques ont eu lieu le même jour que celles de Jean-Paul II, et qu'il pleuvait des trombes.

Je me souviens qu'on t'a couché auprès de mon grand-père adoré.

Je me souviens que le dernier jour où je t'ai vu, c'était à l'hôpital. Tu m'as reconnue, tu m'as dit "À bientôt", nous nous sommes embrassés... mais nous ne nous sommes jamais revus.

Je me souviens aussi de tout le reste, et des souvenirs heureux.

Je me souviens de ta passion pour les voitures, que tu lisais "L'Auto-Journal" de la première à la dernière ligne, même si tu n'as jamais rien compris à la mécanique. Ni au bricolage.

Je me souviens de ta droiture. Tu avais eu un PV dans ta vie, tu l'avais payé, fait encadrer et mis dans ton bureau au Palais de Justice. Quand quelqu'un venait te demander un "service", tu montrais le cadre. Même pour moi, qui en ai eu un seul également, tu m'as mise devant mes responsabilités.

Je me souviens que tu n'as jamais aimé aucun de mes petits amis ou de mes compagnons, à l'âge adulte. Comme le disait Maman : "Même le roi de Prusse ne serait pas assez bien pour sa fille unique".

Je me souviens de tous nos voyages en Italie : lac de Côme, lac Majeur, Florence, Pise, Sienne, etc.

Je me souviens que la seule chose que tu détestais, c'étaient les endives cuites.

Je me souviens que quand j'ai eu besoin de toi, tu as toujours été là, même quand je ne voulais pas le demander.

Je me souviens que tu t'entendais tellement bien avec ton beau-père, que tu vouvoyais, mais appelais "Papa".

Je me souviens que tu adorais les romans de P.J Woodehouse qui te faisaient beaucoup rire.

Je me souviens de tout ça... et de tant d'autres choses.

Je me souviendrai toute ma vie que c'est quand ils sont en vie qu'il faut dire aux gens qu'on les aime, même quand on est retenus par une pudeur ou une réserve ridicules.