(lettre d'amour sans utiliser la lettre A)
Dernière lettre pour toi, pour Vénus...
Il me reste de toi des photos, des sourires furtifs, des odeurs de lys, des rêves insensés, des moments de pure folie et d'une douceur infime.
Un jour, nous conversions joyeusement et brusquement, le temps s'est fixé. Je sens encore le vent de douleur pénétré en moi. Notre vie bouleversée en ces mots: «Je crois que d'ici quelques jours, mon cœur est mort». Confus, je ne sus répliquer.
Mes yeux ont su tout de suite ce que nous mettions sous silence depuis fort longtemps. Ton corps robuste et tes courbes généreuses, en déclin, n'ont offert que soupçon de vérité pour mes sens en éveil. Cette femme colorée s'est dissipée lentement sous mes yeux. Tous les jours, toutes les nuits, tes membres ont lutté pour rester en vie. Résignés, nous ne discutions que de nos rêves de gosses. Nous pensions que nous pourrions révolutionner cet univers injuste. Nous pleurions souvent de rire, de tristesse. Nous étions ensemble.
Je conçois ce soir que nous devions rester dignes. Je veux en cette journée de juillet 1938 t'écrire ces quelques lignes pour te dire que ton souvenir est porté en l'étoile de notre rencontre. Tu te souviens «un vœu sous cette lune?».
Je ressens une quiétude, comme une légère brise sur cette nuque où ton souffle brûle encore.
Longtemps vidé de tous sentiments et de tout espoir de respirer encore, cette vie est devenue noire et terne. Une petite mort s'est engouffrée sur moi comme des hyènes sur leur proie. Des pensées de te rejoindre ont troublé mon esprit les premiers jours,les premiers mois. Et puis, un jour une porte s'est ouverte sur le futur.
Elle se prénomme Tess. Ton histoire est son histoire. Une sœur de cœur pour toi, une femme pour moi. Je ne souffre plus. Un être unique comme toi, c'est ce qu'elle est. Je suis heureux. Mon corps n'est plus honteux de me coucher près de cette nouvelle étoile. Je crois que cette rencontre est un signe du destin. Je suis guéri, Vénus.
Ton souvenir est présent pour toujours. Tu es éternelle pour tous les yeux du monde.
Lucien