Où serai-je demain
Mille neuf cent quatre-vingt, c’était hier, je me souviens
Tes beaux yeux dans les miens, et ta main dans ma main
Tu voyais un avenir facile, tu voulais une famille,
Un choix pas bien difficile, quelques garçons et des filles
De beaux et grands enfants qui auraient été bien dociles,
Pour, tous les jours, égayer le jardin, de leur joyeux babil
Mille neuf cent quatre-vingt-dix, c’était hier, je me souviens
Des amants de Vérone, du phénix et de sa sirène, il n’en restait plus rien
Deux boulots par jour, pour nourrir ces adorables amours
Ne laissaient guère assez de temps, de jouer aux tendres amants
Tu as choisi, un beau jour, de me remplacer par un troubadour
Tu pris un amant, pour passer ton temps, hors des yeux des enfants
Deux mille, nouveau millénaire, c’était hier, je me souviens
De tes larmes candides, à la séance fétide, de la vente des biens
Après des années de renvois, de remords, tu veux ou tu ne veux pas
Le divorce est à sa fin, ton avocat et le mien, en copains, sur le sofa
Je les vois refiler, à une bande de requins, vingt ans de ma vie
Dans ton coin, tu as l’air maussade mais je sais que tu es ravie
Deux mille six, quelques mois, c’était hier, je me souviens
Tes beaux yeux dans les miens et ta main dans ma main
Deux mille six, quelques mois, et le passé s’est recomposé
Tous les invités, la grande allée, le jour où on s’est marié
Là devant l’autel, tu pleures, mais je ne serais dupe encore
Je t’aimais, je t’aime et t’aimerai, mais je change de décor
Deux mille huit, aujourd’hui, pendant que tu dors, le bilan d’une vie
Deux mille huit, aujourd’hui, le soleil dehors, tu es belle, endormie
Je maudis le sort et, dans un silence de mort, je t’embrasse et je sors
Ce matin, je pars, je te laisse tous les biens, je prendrais tous les torts
Mes valises dehors, sur la pointe des pieds, au moins ça, tu le vaux bien
Quai de gare, nulle part, un train au lointain, où serai-je demain ?