Du rap, pour changer
Hé, zanni ? Tu te plains de ta vie ?
Hé, ho ! T’es ouf ? T’as vu comme tu me parles ! Faut calmer tes nerfs, mec !
J’sais pas moi : va prendre l’air, sniffe une ligne, crame un oinj, bouffe un bec !
Non, mais ! Sous prétexte que Monsieur a un baise-en ville, il se la pète haut.
T’as l’air fin, mais faut rester zen avec ton squatt à quatt’ sous à la périf du ghetto
Tu baves sur les quartiers de viande, rehaussés au gloss, à l’affiche de ta vue
Vient donc chez moi, rue des courants d’air, voir les chaudasses du métro
Qui sont tellement épilées que tu pourrais les confondre avec les chromes d’un bahut.
Le matin c’est zigfi. Il y a les rames qui vomissent leur quatre heures de pèlerins
Des esclaves du turbin qui s’en viennent gagner l’artiche pour quatt’ sous de pain.
Le soir, c’est la rame à Ginette parce qu’elle a oublié son taf après le tapin
Entre les deux, si t’as de la chance, ou si le keuf du jour t’a à la bonne
À moins que ce soit que tu fasses assez pitié pour qu’il te fiche la paix
Tu pourras faire la manche dans les couloirs, jouer un peu de la guitare
Te prendre pour un chanteur de jazz, de rap ou de folk avec ton banjou
Parfois, ça peut chémar et tu récoltes assez de pièces pour aller t’en jeter un
Souvent tu restes le ventre vide, la rage au cœur à penser à cette putain
À qui tu dois ce grand bonheur de côtoyer tous les jours des trains
Ici t’as intérêt à être balèze si tu veux pas qu’on te chourave ton pèze
Faut sourire aux schmiths, faire la lèche aux prolos : tu te branles ou on te baise
Et toujours le souvenir de cette pouffe à qui tu dois la joie de voir la vie des autres de près,
Quand il te reste assez de fierté pour lever les yeux afin de les remercier
De l’aumône qu’ils te jettent de loin, comme on jette un os au chien
Avec ce mélange subtile de mépris et de compassion qui fait bouillir
Et que si t’avais pas tant besoin de ce fric pour essayer de survivre
Tu prendrais plaisir à le leur enfoncer dans le…la gorge pour les voir sourire.
Chez moi, il n’y a pas de verdure. Que du verre, du fer, du béton et des ordures
Tu te dis que le tableau est bien noir ? Alors viens-y voir ! Et je t’assure
Que tu en verras d’autres de bien pire, des mecs qui sortent tout juste de taule
Des mecs au moral dans les chaussettes, qui saigneraient un gus ou tout pareil
Juste pour kiffer l’instant, sentir le sang, se sentir vivants. Moi, au moins, j’ai gardé la gaule,
La gnacque, l’envie de sortir du ruisseau. Tout le monde, ici, cherche son coin de soleil
Moi, tant qu’à faire, je le voudrais à l’ombre. À l’ombre d’un faible espoir
L’espoir d’avoir un jour la chance, la malchance ou l’indécence, va savoir
De croiser, dans ce cloaque qui te retourne les tripes, Son regard
Et d’y voir autre chose que les lumières de la place du désespoir.
Mais je cause, je cause, tu dois sans doute avoir des choses à faire
Allez, casse-toi ! Tu vas être à la bourre pour choper le RER
Et rentrer dans ta zone pour jouer au caïd échappé de l’enfer
Ici, c’est l’underground, le terminus, la dernière station,
Là où échouent tous les mecs et les meufs qui ont raté le coche
Ou qui, pour une cause ou l’autre, souvent sans aucune raison
Se retrouvent à arpenter les rues de la ville sans un sou vaillant en poche.
Allez ! Va retrouver tes potes, ton squatt, ta meuf, ta vie et tes calandos
Et remercie le ciel de ne pas être, comme tant d’autres, un mendigot.
© Hami