Le dîner aux chandelles
Coup de fil anodin, à la pointe du jour,
D’une voix monocorde aux accents lointains
D’une passion révolue qui séjourne à son tour,
Demandant rendez-vous pour le soir qui s’en vient
Du ton péremptoire de l’amitié brisée
Elle demande à voir, comme un dernier regret,
Ce pantin dérisoire que son acte a cloué
Sur le banc de ce square, opprobre des souhaits
Musique douce et lumière tamisée
Jolie nappe fleurie, beaux verres de cristal,
Un superbe bouquet embaumant l’orchidée,
Un petit coin discret tout au fond de la salle
Les voilà, bien à l’heure, sur le champ de supplice
Face à face du regard, bon dieu, elle est si belle
Le souvenir s’emballe sur ces fleurs de dentelle
Qu’elle offrait à son heur, sur le bord du calice
Petit vin de liqueur pour ouvrir l’appétit
Elle parle et déballe les détours de sa vie
Remuant le passé, les entrées sont servies,
Elle parle et détaille, des envies, l’avanie
Décolleté plongeant, bien serrée à la taille
Maquillage surfait, pour bien celer la toile,
Elle lui cache un secret, entre mets et la caille,
À son corps défendant, l’arcane se dévoile
Enivrée au champagne, la cause se défend,
Les bougies se consument sur le bord de la table
Mettant le monde envieux derrière un écran
De fumerolles bleues d’un parfum délectable
S’égraine la comptine aux jours des Je t’aime
De ses peines et ses joies, jusqu’au temps des remords,
La musique l’oppresse et la chemise le gêne,
Sur ce banc d’accusé, la sentence à ses torts
Elle parle à mots couverts de sa peine de cœur
Entre poire et fromage elle découvre son drame
Elle reconnaît, enfin, avoir fait une erreur
Le pantin désuet lui vaut d’amères larmes
Le café est servi et il ne sait que dire
De cet aveu tardif qui le prend par surprise
Rendant inutiles ces nuits noires à maudire
Ce destin si retors le cueillant par traîtrise
S’en vont les heures, monotone entreprise
Attendant, de ce jour, la belle ombre factice
Une question reste et un sourire s’esquisse
Que devient son mari dans ce choix de reprise ?
Il aura suffit de ce dîner aux chandelles
Pour que le sort, ce soir, lui ouvre enfin les yeux
Désormais le pantin a perdu ses ficelles
Le matin qui s’en vient le verra plus heureux