Me voici allongé au fond de mon cachot ;
Mon corps va nulle part, mon esprit n’importe où.
Je grelotte et je sue : il fait froid, il fait chaud ;
Je ne manque de rien, je suis privé de tout.
Je n’étais qu’un jeune homme et je croyais en Dieu.
Je regardais le monde et les maux qui l’inondent.
J’en voulais à Satan que je trouvais immonde.
Me voilà réveillé ; maintenant je suis vieux.
A présent c’est vers lui, l’abhorré, le banni,
Que je tourne les yeux, que je lève les mains.
Les versets, dans mes vers, ma plaie les remanie.
C’est là seul que je vois un possible demain.
C’est à lui que j’adresse humblement mes prières.
Des promesses du Ciel, déçu, je veux un pacte
Signé avec mon sang, pour obtenir des actes.
Les « tu l’auras » de dieu m’ont fait un cœur de pierre.
Je veux un pacte avec le Diable, oui, je le veux ;
C’en est assez, destin, de dédaigner mes vœux.
Je veux, quand je dis : « soit ! », que cela soit de suite ;
Que ma destinée ploie, qu’elle prenne la fuite.
Je veux être puissant, je veux qu’on m’obéisse ;
Que les récalcitrants, on les anéantisse.
A quoi bon le respect, je veux que l’on me craigne ;
Et l’opposition : que ma rigueur l’atteigne !
Je veux, la nuit, me reposer ;
(Avecque dieu, c’est trop oser)
Que les matins, je me réveille
Lorsque se lève le soleil.
Oui, car je n’en peux plus de ce ciel nuageux
Qui gorge mes journées dès que j’ouvre les yeux.
Je veux, dans cette vie, prendre quelques plaisirs :
Qu’un génie de la lampe exauce mes désirs.
Dans mon harem, je veux les beaux yeux d’Ophélie,
Et j’y veux Emilie, comme ma sogolie.
......
Jamine me fatigue, au quotidien ça use.
J’ai besoin d’un sérail, et que l’on s’y amuse.
Je veux un grand palais, des jardins suspendus
Où le miel et le lait coulent sans retenue ;
Où le fruit défendu ne pousse pour punir
Ceux qui goûtent sa chair, à cause du délire
D’un créateur insane, un malade mental…
Non ! Non ! Je ne veux rien de tout ce que je veux !
Je ne veux plus le bien, peu m’importe le mal.
Je me moque de tout, je vous en fais l’aveu.
Je ne veux que savoir pourquoi il m’a créé.
Et c’est pour le savoir que je veux ce marché.
Je veux vendre mon âme, et au prix le plus bas.
Mais j’ai beau la solder, on ne l’achète pas.